La progression de 22 % des arrivées aux frontières à fin mai 2025 et les +17 % de nuitées dénotent certainement une dynamique réelle, soutenue par une politique de connectivité aérienne résolument offensive. Le cap des 13 millions de sièges aériens visé en 2025 et la progression de +25 % des capacités contractualisées en un an montrent une stratégie d’influence efficace sur les marchés émetteurs. À cela s’ajoute l’ambition renouvelée avec des objectifs chiffrés clairs : 26 millions de touristes d’ici 2030, un Top 10 mondial en taux de considération (54 %), et une stratégie « World Class Marketing » en pleine expansion.
Mais ces chiffres, bien que prometteurs, sont présentés sans véritable granularité. Aucun détail n’est fourni sur ni sur les marchés de provenance les plus performants, ni sur les aux de conversion réels des campagnes et ni retour sur investissement des actions digitales ou des roadshows.
Cette absence de ventilation empêche évidemment toute lecture fine de la performance sectorielle réelle. Aucun mot sur les tensions structurelles pourtant bien connues quant à la saisonnalité toujours forte, la capacité hôtelière insuffisante dans certaines régions à vocation touristique, ou encore le manque criant de main-d’œuvre qualifiée et instabilité de l’emploi touristique, de même que sur la faible engagement des territoires hors grands axes touristiques.
Le discours officiel esquive soigneusement les enjeux épineux : où sont les efforts en matière de durabilité, de régulation de l’informel, ou d’adaptation climatique des stations touristiques ? L’angle est purement promotionnel. À ce stade, le communiqué relève plus du document de marketing institutionnel que du rapport de gouvernance mature. Des sujets qui fâchent apparemment l’ONMT et le ministère du Tourisme…
Le Conseil d’administration, bien que présidé par la ministre de tutelle, reste perçu tel un cénacle opaque. La question centrale est celle-ci : à quoi sert un Conseil d’administration si ses membres, notamment les 3 représentants du secteur privé sur 24 administrateurs, ne relaient ni analyse, ni débat, ni compte-rendu professionnel ? Ce manque de redevabilité peut être perçu comme un frein à l’adhésion et à l’implication de l’écosystème professionnel national.
Les comptes 2024 ont certes été approuvés, de même que le plan d’action du second semestre 2025, mais aucune ligne n’est donnée sur les résultats financiers détaillés, l’allocation budgétaire, ni sur les projets pilotes expérimentaux en cours. Le silence sur la performance budgétaire interroge, surtout dans un contexte où les attentes en matière d’efficience publique sont croissantes.
Le CP, très court et orienté « grand public », manque clairement de contenu pour les analystes, les professionnels, et même les collectivités territoriales. Il aurait fallu plutôt un tableau synthétique des KPIs, une présentation des résolutions stratégiques adoptées , des précisions sur les arbitrages budgétaires et surtout, une mise à disposition publique du rapport d’activité complet.
Ce manque de transparence nourrit le sentiment d’une centralisation excessive de la stratégie touristique et d’une distance institutionnelle avec les territoires comme avec les opérateurs.
La stratégie ONMT demeure, malgré tout, performante et produit des résultats. Cela ne fait aucun doute. Mais la solidité d’une stratégie ne se mesure pas qu’à ses KPI commerciaux. Elle repose aussi sur sa capacité à intégrer, écouter et faire participer l’ensemble des parties prenantes, ce qui semble, pour l’instant, une faiblesse persistante.
L’avenir exige une transformation de la gouvernance touristique, pour passer d’un modèle vertical à un modèle circulaire, co-construit, territorialement incarné. Sans cela, le risque est grand que les résultats soient bons mais l’adhésion, elle, durablement précaire.
C’est pour dire que le Conseil d’administration de l’ONMT du 24 juin 2025 aurait pu (et dû) être un moment d’alignement stratégique, d’information partagée, et de mobilisation collective. Il n’aura été qu’une vitrine, certes brillante, mais fermée. En l’état, la dynamique touristique marocaine est tirée par un moteur efficace… mais dont les passagers ignorent la direction exacte. Et dans ce silence organisé, ce sont les professionnels, les régions et les citoyens qui restent sur le quai. Souhaité : un rapport institutionnel clair, partagé, discuté, et porteur d’intelligence collective. Faute de quoi, la stratégie du tourisme 2030 restera une ambition portée par peu, au profit de tous mais sans les inclure.