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LE TOURISME VECTEUR DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL. MOYEN JUDICIEUX DE RAPPROCHEMENT DES CIVILISATIONS ET DES HOMMES

Tourisme marocain à l’épreuve de 2030 : la vision d’un pro


Rédigé le Mardi 22 Juillet 2025 à 12:57 | Lu 85 commentaire(s)

Notre pays se retrouve à un carrefour décisif. Face à l’embellie des chiffres touristiques, Othmane Cherif Alami, avec son franc-parler très spontané, invite à abandonner les illusions d’une réussite purement quantitative pour embrasser un changement de paradigme radical. Son diagnostic est sans complaisance : le Maroc doit se doter d’une gouvernance plus agile, renforcer la qualité de l’expérience client, territorialiser ses investissements et enfin, remettre l’humain au centre de sa politique touristique.


Othman Cherif Alami
Othman Cherif Alami

Les chiffres sont flatteurs. Avec 7,5 millions d’arrivées à fin mai 2025 -croisiéristes inclus- et une projection optimiste à 20 millions de visiteurs d’ici la fin de l’année, la performance marocaine suscite évidemment l’admiration. Cette poussée repose sur un facteur structurant : la connectivité aérienne, dynamisée par l’essor des compagnies low-cost et soutenue par des accords de co-marketing ciblés. Le Royaume récolte aujourd’hui les fruits de choix stratégiques posés dès 2017, notamment sous l’impulsion de Mohammed Sajid et de Lamia Boutaleb.

Mais derrière la vitrine, Othmane Cherif Alami nuance : la croissance des flux est nécessaire, non suffisante. Marrakech et Agadir, à elles seules, captent une part écrasante des performances avec des taux d’occupation hôtelière de près de 90 %. Le risque d’un modèle surconcentré et déséquilibré est réel. L’attractivité du pays ne peut pas reposer indéfiniment sur deux villes vitrines.

« Il ne faut pas se laisser hypnotiser par les volumes », prévient Alami. Le Maroc se targue aujourd’hui d’avoir attiré des touristes dépensant jusqu’à 2.000 euros la nuit dans certains établissements haut de gamme, notamment à Taghazout ou Cabo Negro. Mais ce luxe reste l’exception, pas la norme.


Le problème est double : une offre premium inégalement répartie sur le territoire et une hausse des prix déconnectée de la qualité perçue. Pour Alami, il faut systématiser l’exigence : « Un hôtel à 2.500 dirhams doit livrer une expérience équivalente. Sinon, il sera rétrogradé. » Les nouveaux décrets sur la classification hôtelière, introduisant les clients mystères, vont dans le bon sens, mais ils peinent à compenser des années de laxisme réglementaire.

Le constat est sévère : l’appareil administratif est un frein, non un levier. Des procédures lentes, des autorisations de rénovation qui traînent entre trois et six mois, un Office National du Tourisme peu réactif… Pour Alami, il faut « une agence moderne, souple, capable de s’adapter à la volatilité du secteur ». Une réforme structurelle s’impose, avec des délégations de pouvoirs aux régions, un contrôle a posteriori et une capacité d’arbitrage rapide. L’absence de compte satellite touristique, pourtant recommandé depuis plus d’une décennie, illustre un déficit chronique en outils d’aide à la décision.

L’enjeu central de la qualité reste humain. Malgré des prix en hausse, l’expérience client reste décevante, principalement à cause de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, notamment dans les fonctions d’exécution (chambres, restauration, maintenance). Le paradoxe est frappant : alors que le chômage reste élevé chez les jeunes, les établissements touristiques peinent à recruter.


La désaffection pour ces métiers tient autant à la précarité qu’à un manque de reconnaissance. Othmane Cherif Alami propose des incitations concrètes : défiscalisation des primes, mécanismes de soutien à l’embauche inspirés de l’Anapec, primes au transport pour les jeunes non diplômés. Car, insiste-t-il, « ces métiers sont nobles ; ils participent à l’âme de l’hospitalité marocaine ».

Un développement homogène ne peut reposer sur des hubs saturés. Alami appelle à la création de portefeuilles fonciers prêts à l’emploi dans chaque région, alignés sur une vision territoriale. Il invite également à approfondir la diversification des niches : tourisme de retraites, de bien-être, écologique. L’exemple d’Aït Bouguemez, complet avant même son ouverture, témoigne d’un potentiel inexploité, y compris auprès d’une clientèle domestique.

Cette diversification nécessite une fiscalité adaptée, des incitations ciblées, mais aussi une vision locale portée par des élus engagés, ce qui fait encore trop souvent défaut.

La perspective de la Coupe du Monde 2030 impose un compte à rebours implacable. Alami le répète avec insistance : 2026 doit être l’année du basculement. Retards logistiques sur la billetterie, déficit d’hébergement temporaire, coordination institutionnelle faiblarde… Le Maroc ne peut plus se permettre d’improviser. Il évoque, à juste titre, le recours à des navires de croisière à quai comme solution de court terme, mais alerte sur l’importance de l’expérience micro-touristique : accessibilité, propreté, signalétique, qualité du service.

 


Le message optimal d’Othmane Cherif Alami dépasse les chiffres, les normes et les modèles économiques. Il est politique et sociétal : le tourisme doit devenir un levier d’inclusion durable. Il évoque ceux qui n’ont « ni diplôme, ni stage, ni emploi » et rappelle que l’hospitalité marocaine n’a de sens que si elle est partagée par tous, au bénéfice de tous.

Il appelle à un pacte national pour un tourisme responsable, socialement inclusif, écologiquement conscient et économiquement compétitif. Un modèle qui réconcilie croissance et équité, qualité et accessibilité, ambition et humilité.

La vision défendue par Othmane Cherif Alami n’est ni nostalgique ni utopique. Elle est lucide, exigeante, cohérente. Elle pose une question cruciale : le Maroc veut-il être un pays visité ou un pays accueillant ?

La réponse conditionnera non seulement la réussite de la CAN 2025 et de la Coupe du Monde 2030, mais aussi l’avenir de millions de Marocains pour qui le tourisme pourrait être bien plus qu’un secteur : un projet de société.

Ce qu’il faudrait retenir de sa vision :

-Objectif 2025 : 20 millions de touristes visés, mais la qualité reste inégale.

-Obstacle majeur : gouvernance rigide et outils obsolètes.

-Clé du succès : montée en gamme, inclusion sociale et territorialisation.

-Échéance stratégique : 2026, année pivot avant 2030.

Source: premiumtravelnews.com  par mutapha amal








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