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Nouveaux profils de pseudo-journalistes:


Rédigé le Dimanche 13 Juillet 2025 à 19:53 | Lu 43 commentaire(s)

Chronique : Nouveaux profils de pseudo-journalistes: ils vous filment sans prévenir, puis vous harcèlent pour vous faire payer la facture. Nouveau business model?


Soumaya Naamane Guessous
Soumaya Naamane Guessous
J’ai été abordée par un profil douteux. Son microphone portait le nom de MAP écrit en grand et d’un chiffre à peine visible.

Je pensais qu’il s’agissait de l’agence officielle. Dès le début de mon parcours d’écrivaine, j’ai pris l’engagement de ne jamais refuser de répondre à la sollicitation de journalistes et d’étudiants.

J’ai donc accepté d’être interviewée sur la question des enfants de la rue. À peine ai-je commencé mon propos qu’il m’interrompt: «Et ces immigrées africaines qui viennent accoucher dans notre pays, alors que nous sommes musulmans?

J’ai aussitôt mis fin à l’interview, en m’excusant: «Ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui».

Mécontent, il me poursuivit un bon moment: «Wa t-halaye fya» (Prends soin de moi). Je n’ai pas compris. Il continue: «Wa daouri mâana» (Donne-moi de l’argent). Je lui demande pour quelle raison. Il répond: «Wa hna sahafyine!» (Nous sommes des journalistes).

Moi, les journalistes, je les connais depuis les années 80, professionnels, éduqués, respectueux de leur dignité. Des journalistes-mendiants, je viens à peine de les découvrir.

Il a continué à me harceler au point où j’ai dû élever la voix pour qu’il cesse. Ensuite il a collé le conférencier pour l’interviewer au moment où nous devions quitter la coupole. N’ayant pas pu lui soutirer de l’argent, il revint à la charge avec moi: «Daouiri mâaya, ton mari ne m’a rien donné». Mon mari, c’était le conférencier. Là, j’ai dû élever la voix encore plus, ce qui est désagréable même pour moi. Mais comment me comporter face à cette mendicité agressive.

Les faux journalistes sont nombreux. Ils débarquent aux conférences, sans accréditation claire, filment, posent des questions pour se donner une légitimité, puis attendent la fin de l’événement pour passer à l’offensive: vendre des photos et des vidéos. Ce phénomène, de plus en plus fréquent dans les salons, conférences, tables rondes, ternit l’image du journalisme.

Ils n’ont ni accréditation ni légitimité journalistique. À peine avez-vous terminé votre intervention qu’ils surgissent, vous brandissent un micro sous le nez, et vous bombardent de questions.

L’objectif est clair: vous faire parler à tout prix, créer du contenu à monétiser, puis vous le proposer avec insistance contre rémunération.

Ils vous courent derrière, vous demandent votre numéro de téléphone pour vous envoyer les photos et les vidéos. Mais il faut payer à l’avance: «Thala fina».

Ils vous culpabilisent: «Aide-moi, je suis journaliste». Ils peuvent vous suivre jusqu’à la voiture. «Tâaouni mâaya akhti» (Aide-moi).

Je suis gênée. Je donne un billet bleu au premier, m’excuse auprès des autres. Mais il y a toujours un qui vous colle: «Wa rani khdamete mâak mine goubila» (Je travaille avec toi depuis tout à l’heure)». Je lui suis redevable alors que je ne lui ai rien demandé.

Les vrais journalistes les appellent moul l’pounja, journaliste de l’éponge. Ils sont munis d’un microphone, entouré d’une éponge, avec un nom inscrit dessous, censé être celui du journal ou du site pour lequel ils travaillent. Tous les journalistes ont ce genre de microphone, mais aujourd’hui, on rencontre beaucoup d’hommes qui présentent ce genre de microphone, sans nom ou celui d’un site électronique qu’ils ont eux-mêmes créé.

Ils n’ont pas de badge officiel, pas de média identifié, juste une caméra vissée à la main ou, surtout, des smartphones.

Maintenant, quelle attitude avoir? Souvent, les émotions l’emportent et je cède, en me disant que ce sont des jeunes dans le besoin. Mais en agissant ainsi, peut-être que je cautionne des comportements non éthiques.

Il me semble, à moins que je me trompe, que cela porte préjudice à la profession déjà fragilisée par la désinformation et les réseaux sociaux.

Le code de la presse au Maroc encadre la pratique journalistique. Seuls les journalistes disposant d’une carte professionnelle délivrée par le Conseil national de la presse sont autorisés à exercer. Mais il y a beaucoup de fausses cartes de journaliste.

Sur le terrain, les organisateurs d’événements n’exigent aucun justificatif.

Est-ce de l’usurpation journalistique, une logique marchande détournée qui n’a rien à voir avec l’éthique journalistique?

Quelle attitude adopter? Considérer que ce sont des jeunes qui essayent de travailler et les encourager? Demander aux organisateurs d’événements de vérifier les identités des médias présents et d’interdire toute captation non autorisée. Compliqué.

Refuser de donner de l’argent?

Il est vrai qu’Internet et les réseaux sociaux ont permis à tout détenteur d’un smartphone de s’improviser reporter. Accepter cette réalité?

Est-ce une dérive dans l’écosystème médiatique? La perte de repères entre journalisme citoyen, amateurisme et pratiques commerciales abusives?

Ce qui est certain c’est que ce malaise est ressenti par toutes les personnes assaillies par ces faux journalistes.

Les réponses à ces questions? Je ne les ai pas. Sincèrement, je reste perplexe.
 
Par Soumaya Naamane Guessous
Le 04/07/2025 à 12h01
Le 24 juin, signature du livre de Chakib Guessous, «Survivre: enfants et jeunes de la rue», au sein de la Coupole du Parc de la Ligue arable. De nombreux journalistes. Et de faux journalistes.
 
Source : Le 360 Français https://share.google/zALaK1AC3HxZkyURj
 


 







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